Les entreprises peuvent désormais recourir à l’activité partielle de longue durée
En application de l’article 53 de la loi 2020-734 du 17 juin 2020, les entreprises confrontées à des difficultés économiques durables mais qui ne sont pas de nature à compromettre leur pérennité peuvent recourir à un dispositif spécifique d’activité partielle :
- soit par la voie d’un accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe validé par l’administration ;
- soit par le biais d’un document unilatéral élaboré par l’employeur dans le cadre défini par un accord de branche étendu. Ce document est homologué par l’administration.
A noter : Initialement désigné sous l’acronyme « Arme » (Activité réduite pour le maintien en emploi), ce dispositif spécifique d’activité réduite est désormais communément désigné sous l’acronyme « APLD » (activité partielle de longue durée).
Le décret 2020-926 du 28 juillet 2020 précise les modalités de mise en œuvre de l’APLD, notamment le contenu de l’accord collectif ou du document unilatéral de l’employeur, ses modalités de validation ou d’homologation par l’administration, les montants de l’indemnité et de l’allocation, le contrôle des engagements pris par l’employeur en termes d’emploi et de formation et les modalités d’articulation de l’APLD avec l’activité partielle « classique » .
A noter : Selon les informations transmises aux partenaires sociaux lors d’une réunion à l’Elysée le 24 juin 2020, le dispositif d’activité partielle spécial Covid-19 pourrait prendre fin le 30 septembre 2020. A compter du 1er octobre, un nouveau dispositif d’activité partielle de droit commun serait mis en place. Moins généreux que le dispositif actuel et que l’APLD, l’activité partielle « classique » serait à destination des entreprises traversant des difficultés de courte durée. L’APLD s’adresse quand à elle aux entreprises ayant des difficultés économiques durables en les indemnisant mieux.
Jusqu’à quand les entreprises peuvent-elles recourir à l’APLD ?
Ce nouveau dispositif est entré en vigueur le 31 juillet 2020, soit au lendemain de la publication du décret au Journal officiel.
A notre avis : Compte tenu de cette date et des dispositions fixant le point de départ du dispositif au plus tôt au premier jour du mois civil au cours duquel la demande de validation ou d’homologation a été transmise à la Direccte (Décret art. 3), les entreprises peuvent en pratique y recourir depuis le 1er août 2020, pour toute demande de validation ou d’homologation transmise courant août 2020. En effet, il est peu probable que des entreprises aient déjà pu transmettre un accord conforme le 31 juillet 2020 pour une application en juillet 2020.
Quel contenu pour l’accord ou le document unilatéral ?
L’accord collectif d’établissement, d’entreprise, de groupe ou de branche doit obligatoirement comporter :
- un préambule présentant un diagnostic sur la situation économique et les perspectives d’activité selon le cas de l’établissement, de l’entreprise, du groupe ou de la branche ;
- la date de début et la durée d’application du dispositif d’APLD ;
- les activités et salariés auxquels s’appliquent ce dispositif ;
- la réduction maximale de l’horaire de travail en-deçà de la durée légale ;
- les engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle ;
- les modalités d’information des organisations syndicales de salariés signataires et des institutions représentatives du personnel sur la mise en œuvre de l’accord, cette information ayant lieu au moins tous les 3 mois.
Outre ces clauses obligatoires, l’accord collectif peut notamment prévoir :
- les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord, les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance, fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant la durée de recours au dispositif ;
- les conditions dans lesquelles les salariés prennent leurs congés payés et utilisent leur compte personnel de formation, avant ou pendant la mise en œuvre du dispositif ;
- les moyens de suivi de l’accord par les organisations syndicales.
S’agissant du document unilatéral élaboré par l’employeur, il doit préciser les conditions de mise en œuvre, au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, des stipulations de l’accord de branche étendu. Il doit comporter les mêmes éléments que ceux devant obligatoirement figurer dans l’accord collectif et, en particulier, les engagements spécifiques souscrits par l’employeur en matière d’emploi.
La réduction de l’horaire de travail est en principe limitée à 40 % de la durée légale
Elle s’apprécie pour chaque salarié concerné sur la durée d’application du dispositif prévu par l’accord collectif ou le document unilatéral. Son application peut conduire à la suspension temporaire de l’activité.
Ainsi, concrètement, si un accord est signé pour une durée d’un an, la réduction maximale d’activité par salarié sur cette période est de 642,80 heures (1 607 x 40 %), et sa répartition sur l’année pourra aboutir à des périodes sans activité.
Cette limite de 40 % peut être dépassée dans des cas exceptionnels résultant de la situation particulière de l’entreprise, sur décision de la Direccte et dans les conditions prévues par l’accord collectif, sans que la réduction de l’horaire de travail puisse être supérieure à 50 % de la durée légale.
En pratique, il faut donc que le dépassement de la limite de 40 % soit envisagée dans l’accord collectif pour que l’administration puisse l’autoriser.
Quelles formalités ?
Cette demande est accompagnée de l’accord collectif ou du document unilatéral. En cas de document unilatéral, la demande doit obligatoirement être accompagnée de l’avis rendu par le CSE s’il existe (Décret art. 5).
Lorsque le périmètre de l’accord ou du document porte sur des établissements implantés dans plusieurs départements, l’employeur adresse sa demande unique au titre de l’ensemble des établissements au préfet du département où est implanté l’un quelconque des établissements concernés. Dans ce cas, le contrôle de la régularité des conditions de recours à l’APLD est confié au préfet du département où est implanté chacun des établissements concernés (Décret art. 6).
La demande d’APDL est adressée par voie dématérialisée dans les mêmes conditions que celles prévues pour l’activité partielle classique (Décret art. 5). En clair, les démarches sont effectuées en ligne sur le portail https://activitepartielle.emploi.gouv.fr.
Le préfet notifie sa décision, dans les mêmes délais et par tout moyen, au CSE lorsqu’il existe et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales signataires (Loi 2020-734 du 17-6-2020 art. 53, VI ; Décret art. 5).
A noter : Selon la loi du 17 juin 2020 précitée, le silence gardé par l’administration pendant les délais de validation ou d’homologation vaut acceptation tacite du dossier. Dans ce cas, l’employeur doit transmettre au CSE et, si la décision porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives une copie de la demande de validation ou d’homologation accompagnée de son accusé de réception par la Direccte.
L’employeur doit transmettre à la Direccte avant l’échéance de chaque période d’autorisation d’activité partielle, un bilan portant sur le respect de ses engagements (Décret 28-7-2020 art. 2, al. 1) :
- en matière d’emploi et de formation professionnelle des salariés ;
- et en matière d’information des représentants du personnel sur la mise en œuvre de l’accord.
Ce bilan est accompagné d’un diagnostic actualisé de la situation économique et des perspectives d’activité de l’établissement, de l’entreprise ou du groupe, ainsi que du procès-verbal de la dernière réunion au cours de laquelle le CSE, s’il existe, a été informé sur la mise en œuvre de l’activité partielle (Décret 28-7-2020 art. 2, al. 1).
En pratique, l’employeur doit fournir ce rapport tous les 6 mois, et il conditionne le renouvellement de l’autorisation (Décret art. 5, al. 3).
Quelle indemnisation ?
A noter : La volonté du Gouvernement est de prévoir à terme une meilleure indemnisation pour les salariés en APLD par rapport à celle prévue en cas d’activité partielle classique. Il convient donc de lire ces montants au regard des nouveaux montants de l’activité partielle classique qui devraient être revus à la baisse à partir du 1er octobre 2020.
La rémunération maximale prise en compte pour le calcul de l’indemnité horaire est égale à 4,5 fois le taux horaire du Smic (soit une rémunération horaire maximale de 31,97 € en 2020). En clair, la part du salaire horaire supérieure à 31,97 € n’est pas indemnisée (Décret art. 8).
A notre avis : Le décret ne fait référence à aucun montant minimum d’indemnité pour le salarié et exclut l’application de l’article D 5122-13 du Code du travail fixant un minimum de 8,03 € dans le régime classique (Décret art. 9, II). Toutefois, il nous semble que l’employeur doit verser au salarié au moins la somme qu’il reçoit de l’Etat. Le fait qu’un minimum d’allocation soit prévu pour l’employeur (voir ci-dessous) laisse donc penser que le salarié aurait au moins droit à une indemnité de ce montant minimum. Une confirmation de l’administration sur ce point serait toutefois la bienvenue.
L’assiette de l’indemnité APLD, la durée légale à prendre en compte pour déterminer les heures indemnisables et le principe d’indemnisation des heures d’équivalence et des salariés en forfait jours du régime « classique » d’activité partielle s’appliquent. Les règles dérogatoires liées à la crise sanitaire et, notamment, la prise en compte des heures supplémentaires contractuelles ou conventionnelles pour le calcul de l’indemnité, sont également applicables, mais seulement jusqu’à leur terme, soit le 31 décembre 2020.
L’employeur a droit à une allocation dont le montant diffère selon la date à laquelle l’accord a été transmis au Direccte (Décret art. 7) :
- pour les accords transmis avant le 1er octobre 2020, le taux horaire de l’allocation d’APLD est égal à 60 % de la rémunération horaire brute de référence, limitée à 4,5 fois le Smic horaire (soit une allocation horaire maximale de 27,41 €) ;
- pour les accords transmis à compter du 1er octobre 2020, ce montant est limité à 56 % de la rémunération horaire brute de référence, toujours dans la limite de 4,5 fois le Smic (soit une allocation horaire maximale de 25,58 €).
Ce taux horaire ne peut pas être inférieur à 7,23 €, sauf pour les salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
A notre avis : L’article 7 du décret fixe le taux horaire de l’allocation pour les « accords » transmis à l’administration, sans viser les documents établis par l’employeur. Il s’agit selon nous d’une maladresse rédactionnelle et il ne fait guère de doute que le taux horaire de l’allocation fixé ci-dessus vaut aussi lorsque les salariés sont placés en APLD sur la base d’un document de l’employeur.
Quelle est la durée du dispositif ?
Le bénéfice du dispositif est accordé dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois consécutifs (Décret art. 3, al. 2). Si l’APLD est mise en œuvre dans le cadre d’un document de l’employeur, le renouvellement ne peut se faire au-delà de la durée maximale d’application du dispositif fixée, le cas échéant, par l’accord de branche étendu (Décret art. 1, III).
Le point de départ du dispositif ne peut pas être antérieur au premier jour du mois civil au cours duquel la demande de validation ou d’homologation a été transmise à la Direccte (Décret art. 3, al. 1).
En clair, l’employeur qui transmet une demande de validation ou d’homologation en septembre 2020 pourra placer ses salariés en APLD à compter du 1er septembre 2020.
Quid des engagements de l’employeur pour le maintien de l’emploi ?
L’employeur doit adresser, avant l’échéance de chaque période d’autorisation d’activité partielle, un bilan portant notamment sur le respect de ces engagements.
En outre, l’employeur doit rembourser à l’Etat les sommes perçues au titre de l’allocation pour chaque salarié bénéficiaire du dispositif licencié pour motif économique pendant la durée de recours au dispositif (Décret art. 2, al. 2).
En cas de rupture pour motif économique du contrat de travail d’un salarié non bénéficiaire du dispositif mais que l’employeur s’était engagé à maintenir dans l’emploi, l’employeur doit rembourser, pour chaque rupture, une somme égale au rapport entre le total des allocations APLD reçues par l’employeur et le nombre de salariés placés en APLD (Décret art. 2, al. 3).
Le remboursement de tout ou partie des sommes ainsi dues par l’employeur peut ne pas être exigé s’il est incompatible avec la situation économique et financière de l’établissement, de l’entreprise ou du groupe (Décret art. 2, al. 4).
Comment s’articulent l’APLD et l’activité partielle classique ?
Pour autant, un employeur bénéficiant du dispositif d’APLD au titre d’une partie de ses salariés peut concomitamment bénéficier pour d’autres salariés de l’activité partielle de droit commun pour tout autre motif que celui relatif à la situation économique de l’entreprise (difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ; sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel ; transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise ou toute autre circonstance de caractère exceptionnel) (Décret art. 9, I).
Les dispositions règlementaires relatives à l’activité partielle de droit commun fixées aux articles R 5122-1 à R 5122-26 du Code du travail sont applicables, y compris les règles temporaires spéciales « Covid-19 » jusqu’à leur terme, aux salariés et aux employeurs en APLD à l’exception des dispositions suivantes relatives (Décret art. 9) :
- aux motifs de recours à l’activité partielle et aux demandes d’autorisation de recourir à l’activité partielle (C. trav. art. R 5122-1, R 5122-2 et R 5122-3) ;
- aux délais de notification de la décision de l’administration (C. trav. art R 5122-4)
- au nombre d’heures indemnisables par année et par salarié (C. trav. art. R 5122-6 et R 5122-7) ;
- aux durées d’autorisation de recours à l’activité partielle, renouvellement compris (C. trav. art. R. 5122-9) ;
- aux modalités de remboursement de l’allocation en cas de trop-percu notamment (C. trav. art., R. 5122-10) ;
- au calcul et aux montants de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle (C. trav. art. R 5122-12, D 5122-13 et R. 5122-18, al. 1 et 2).
On précisera notamment que l’allocation d’APLD est liquidée par l’Agence de services et de paiement (ASP) et que la demande d’indemnisation s’effectue via le site internet sécurisé.